Alpa

 

l'appareil photo des horlogers Suisses

 

  la rencontre
de Bolsey
et de
Pignons S.A.
 

La firme Pignons S.A., installée à Ballaigues, dans le canton de Vaud, près de Vallorbe, a fabriqué, de 1942 jusqu'à la fin des années 80, sous la marque Alpa, environ 50000 appareils reflex. Après 1980, la production déclina, puis devint quasiment marginale, et s'arrêta définitivement en 1990.

Dans les années 1950, la publicité annonçait fièrement Alpa comme "la caméra des horlogers Suisses". Cette formule rend bien compte du caractère de la marque : appareil photo d'horloger, en effet, par sa mécanique et son mode de production, monté en série limitée par des artisans experts. Le personnel n'a jamais dépassé 80 personnes, et la production n'atteignit au plus fort que 200 pièces par mois, une dizaine par jour !


Le destin d'une firme familiale de fourniture de pièces d'horlogerie croise celui d'un concepteur génial, Jacques Bogopolsky, dit Bolsey. Celui-ci venait de céder à Paillard son concept de camera, qui deviendront les Bolex-Paillard. Il conçut dès 1933 un prototype de reflex et l'améliora avec l'appui de Pignons S.A. Des séries test furent fabriquées, sous plusieurs noms, dont celui de Bolca. Finalisé, le modèle fut mis en production en 1942 sous le nom d'Alpa Standard, et sous celui de Bolsey pour les Etats-Unis, pratiquement le seul marché en cette période troublée. La diffusion commerciale commença vraiment en 1944 avec l'Alpa Reflex. Par la suite, Jacques Bolsey céda ses droits à Pignons S.A. et s'installa définitivement aux Etats-Unis où il conçut et produisit d'autres appareils, sous la marque "Bolsey".

L'intégration du développement et de la fabrication des appareils photographique décidera de l'avenir industriel de Pignons S.A., qui s'identifiera par la suite largement à la production des Alpa.


       
  le terroir prime  

Les modèles successifs dérivés de la conception de Bolsey n'avaient pas un fonctionnement irréprochable. Les spécialistes l'attribuent à un déséquilibre des efforts mécaniques dans l'architecture retenue pour l'ensemble obturateur/armement, et à la présence dans le dispositif de pièces vulnérables. Comme la réparation de ces boîtiers ne pouvait être menée à bien par des artisans réparateurs courants, la situation n'était pas confortable, et une évolution profonde s'imposait.

La nouvelle lignée fut conçue par l'équipe technique de Pignons S.A., autour d'André Cornut. En s'affranchissant de la mécanique de la première génération, la firme consolidait l'envol de la marque Alpa vers l'excellence.

On distingue classiquement trois générations d'Alpa :
ère génération : Alpa Reflex (reflex muni d'une mise au point télémétrique auxiliaire)
ème génération : Alpa 4, 5 ,6, 7, 8 dont les premiers portent le nom d'Alpa Alnéa. - Commence en 1952 - Comportent un viseur clair en plus du reflex (et télémètre vertical sur le 7)
ème bis : Alpa 6 c et 9 d - Commence en 1960 - plus de viseur clair, cellule incorporée, TTL sur le 9 d.
ème génération du 10 d au 11 si - Commence en 1968.

Sur la 1 ère génération, le corps est en tôle emboutie; les suivantes sont en alliage léger moulé. Il y a peu d'évolution dans la mécanique interne de la 2 ème génération à la 2 ème bis, c'est pourquoi on les regroupe, malgré une évolution extérieure sensible : l'aspect général du 6 c est déjà assez proche de celui du 10 d.

Découlant de cette tradition horlogère, la compétence portait sur la mécanique, et Pignons S.A. ne produisit pas d'optiques. Aussi, la firme fit appel aux fabricants tiers pour équiper ses boîtiers. Un grand nombre de marques ont fourni des objectifs pour Alpa : Kern, Schneider, Old Delft, Angénieux, Kinoptic, Enna, Kilfitt, Zoomar, Schacht, Spectros, et SOM Berthiot pour les premières séries.
En outre, un certain nombre d'optiques en monture 42 mm à vis, dont des Pentax, ont été vendues avec une bague d'adaptation Alpa intégrée.

A la fin de la vie industrielle d'Alpa, l'entreprise chercha des moyens d'enrayer le déclin. En s'alliant avec Chinon, furent lancés les boîtiers 2000si et 3000si, des Chinon siglés Alpa, avec des optiques Chinon en 42 mm portant la mention "for Alpa" pour le 2000si, et en monture K pour le 3000. Ces productions n'entrent pas vraiment dans la lignée Alpa et ne sont prises en compte, ni dans les générations de boîtiers, ni dans les optiques dédiées mentionnées ci-dessus. Quelques blocs optiques Macro-Switar ont été montés dans des barillets japonais (car Kern de disposait plus de l'outillage spécifique nécessaire), ce sont des raretés conservant la performance optique.


Une fabuleuse variété de séries spéciales, d'accessoires, et d'optiques

Les séries spéciales: déclinaison de couleur et matière (argent, noir, or, lézard, acajou ...). Pas mal de demi-format 18x24, des appareils à usage spécial "Surgical", de relevé de compteurs, de micro-film (système "Mercure").

Pignons S.A. faisait assez volontiers du sur-mesure, pas seulement cosmétique, mais des petites ou grandes adaptations aux goûts ou besoins des clients.

En outre, les modèles se sont chevauchés dans le temps, la vie des teneurs de listes n'est pas simple !

Les accessoires, en particulier ceux dédiés à la macro, sont d'autant plus nombreux que les déclinaisons mécaniques en la matière (bagues etc..) sont finalement assez aisées à développer. Parmi les plus ambitieux : boîtier sous-marin et moteur. Le boîtier n'étant pas conçu pour être motorisé (ce qui est une faiblesse), le moteur est un appendice muni d'un doigt actionnant le levier d'avancement !

Les optiques : on a cité les marques ayant fourni Alpa. Les séries ayant duré plusieurs décennies, nombre d'objectifs ont connu plusieurs versions successives sur la même base, adoptant par étapes un traitement multi-couches et la présélection du diaphragme.

Parmi ces objectifs, les plus réputés pour leurs performances optiques sont le 50 mm Macro-Switar de Kern (en particulier le 50 mm f 1,9 de la dernière génération) et les Apochromat de Kinoptic (en particulier le 100 mm). Bien d'autres sont attractifs, comme les Angénieux, particulièrement les 24 et 28 mm rétrofocus de dernière génération. Mais d'autres sont beaucoup plus rares (quelques dizaines d'exemplaires) et recherchés à ce titre par les collectionneurs.

Par ailleurs, comme le tirage mécanique de l'Alpa est le plus court de tous les reflex, la marge de profondeur permet de monter, via les bagues d'adaptation dédiées, les optiques de plusieurs marques : Leica R, Nikon, Contax, Exacta, 42 mm à vis. La baïonnette Exacta, comme le 42 mm à vis, donnaient accès à une diversité de marques, comptant des modèles remarquables pour les périodes concernées, telles que Carl Zeiss Jena, Meyer, Asahi Pentax. Pour être complet, il faudrait ajouter les optiques de marques indépendantes, adaptables par bague T2, voire par bague propriétaire, comme l'UNI System de Komura. En sens inverse, ce court tirage mécanique de l'Alpa empêche le montage sur les reflex d'autres marques; mais il reste possible sur les Leica M, qui sont encore plus plats. La supériorité optique du Macro-Switar rendait cette solution attractive, et des bagues ad-hoc ont vu le jour.

En supposant que vous sortiez chaque jour avec une optique différente, il vous faudrait plusieurs années pour faire le tour des appariements possibles.

Cette brève description se limite aux Alpa reflex. Pignons S.A. complétait son activité par d'autres pièces mécaniques. Par exemple, un système de chronométrage sportif cédé à Oméga. Elle fabriqua, en lien avec Seitz, un appareil photo panoramique sur 360°, l'Alpa Rotocamera.


       
  où trouver des Alpa ?  

Quelques revendeurs régulièrement fournis :

       
  quel prix pour un Alpa ?  

Vous allez être déçus, je ne vais pas vous donner de prix, ou très peu. Le prix d'un Alpa dépend énormément de son état. Le prestige de la marque conduit à voir circuler des appareils très usagés, en panne, voire à l'état d'épave. La valeur est alors très basse, mais dans le cadre des foires à la photo, les professionnels proposent bien souvent du matériel usagé à très usagé au dessus du prix "rationnel", c'est à dire qu'ils en demandent 1/3 ou la moitié du prix en bon état. Ils finissent par trouver un acquéreur qui se décide sur un coup de tête, entretenant ainsi l'illusion d'une cote élevée. Si vous avez un tel appareil entre les mains, attendez-vous à perdre beaucoup à la revente. Pour que le prix soit élevé, l'appareil doit être en bon ou très bon état. De même, certains des vendeurs professionnels les plus actifs sur e-bay au niveau international, tels que K....'s Cameras et A.....l Photo sont beaucoup trop chers.

En collection, l'usage international, peu en cours en France jusqu'à l'arrivée de l'internet, mais qui se développe, est de coter de 1 à 10 (10 le meilleur) ou de A à D (A le meilleur) avec les cotes intermédiaires A/B etc.. (E existe peut-être, mais alors c'est l'épave totale !). Cette approche est différente de celle de la cote FNAC/Chasseur d'images portant sur des appareils destinés à la prise de vue, donc parfaitement fonctionnels, même en état "usagé".
Pour se fixer les idées, un 10 d nu vaudrait 700 à 800 € en bon état (B+). Avec des marques sérieuses d'utilisation, mais sans choc, et totalement fonctionnel (B-), il vaut 400 à 450 €; à ce niveau on tolère le déréglage de la cellule et des irrégularités de temps d'exposition mesurables mais non appréciables à la simple prise en main. Il ne vaut plus que 150 à 200 € si les conditions précédentes ne sont pas réunies, c'est à dire fortes traces d'usure, léger(s) choc(s), cellule en panne (C). Bien sur, un tel boîtier sera présenté à 350/400 € en foire.

Lire une discussion du prix des Alpa sur le forum rattaché au site de Sylvain Halgand.     Voir les prix en ligne de Leicashop / WestLicht Photographica Auction et de Foto Hobby Rahn.

Il est à noter qu'il y a eu vers la fin des années 1990 un engouement international, en particulier japonais, pour les Alpa, qui a fait monter les prix des beaux modèles, constituant des références (trop) élevées. Depuis, les prix se sont refroidis.

Par ailleurs, une proportion importante des objectifs proposés sur e-bay ou dans les foires sont très fatigués, et une bonne part d'entre eux ont des champignons, autant dire pour ces derniers qu'ils sont sans valeur. Cet état de fait m'a étonné. Après discussion avec des professionnels, l'explication serait qu'il n'y a pas plus d'optiques dans ce piteux état que dans les autres marques, mais dans les autres elles disparaissent, alors que la mystique Alpa les fait tourner en rond sur le marché.

       
  des livres sur le sujet  

Alpa - 50 Jahre anders als andere. Lothar Thewes (épuisé - traduction anglaise : Alpa - Always Different from the Rest)

ALPA-Reflex - a Swiss photo camera Alfred Columberg (trilingue Allemand - Anglais - Français) pas d'ISBN, édité par l'auteur

Alpa - Complete Collector's Guide ISBN 3-905177-50-1; édition Suisse de 2004 par Bea+Poly d'un ouvrage japonais de 1998 de Shigeo Toyota

Ces trois ouvrages sont les principales sources pour les présentes pages.

The Alpa Reflex Manual de Jacob Deschin, Kinografik Publishing Corp, New York, 1959 et ses mises à jour ultérieures. Epuisé, à chercher d'occasion dans les pays anglo-saxons. Conseils aux amateurs sur l'utilisation des modèles commercialisés à sa parution.

       
  liens
 
 

Pages consacrées à un matériel :


Sur Jacques Bolsey :

       
  pourquoi ces pages Alpa ?  

Sur internet, il y a très peu de renseignements en français sur les Alpa : dans notre langue, les pages de Sylvain Halgand sont la source la plus développée. Les articles de l'époque ne sont plus accessibles; l'ouvrage d'Alfred Columberg est coûteux, pas facilement disponible, et la rédaction trilingue dilue l'analyse. Je ne prétends pas combler le manque, mais apporter un éclairage minimum. La brièveté de mon texte laisse place à ce que les farouches spécialistes risquent d'appeler des inexactitudes. C'est en réalité que la concision ne permet pas de rendre compte de l'enchevêtrement des modèles, évolutions et modifications continues, ni des zones d'incertitude.

Je ne porte qu'un intérêt de curiosité aux appareils anciens et n'envisage que les appareils permettant de prendre des vues en inversible couleur ("ektas") d'un niveau au moins égal aux modèles récents équipés de bonnes optiques. Aussi, je me suis tourné vers la troisième génération des 10 d et 11 si, et j'envisage le 9 d. La visée et la mesure de l'exposition excluant de concurrencer un boîtier moderne, je les utilise uniquement pour la satisfaction de les faire vivre.

Vous l'aurez remarqué : la firme était en Suisse francophone. Quel plaisir de lire dans notre langue les documents originaux de ce fabricant au sommet de l'histoire de la photo ! Un autre plaisir, que pouvaient vivre à l'époque les possesseurs d'Alpa : être reçu à Ballaigues, non pas en client mais en ami. Bon voilà, le rêve est fini, retournons à notre numérique.

       
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Dernière mise à jour : 25 avril 2008